La Maif doit cesser de financer la machine à expulser

Publié le par Europe Ecologie-Les Verts Hautes-Pyrénées

Pour des investissements réellement responsables,

La MAIF doit cesser de financer la machine à expulser !

 

Confrontés aux conditions d’hébergement dans les PRAHDA nous avons découvert l'existence de cet investissement. Cela nous a amenés à nous interroger sur une véritable escroquerie à "l'investissement responsable".

En effet la présentation de cet investissement comme s'incrivant "dans une démarche innovante d’investissement à impact social" est un pur mensonge.


 

La création du "fonds à impact social" Hémisphère en 2017 par la SNI , filiale de la Caisse des Dépôts, avait pour objet de répondre à un appel d'offre de l’État pour un nouveau programme d'hébergement de demandeurs d'asile (PRAHDA). En effet les lieux d’hébergement et d'accueil sont structurellement sous-dimensionnés depuis des années.

Mais lorsque l’on regarde les PRAHDA, on constate qu’il s’agit d’un accueil "low cost"qui ressemble davantage à une antichambre à l'expulsion qu'à un véritable accueil. Les PRAHDA ont comme fonction d’accueillir pendant 45 jours, renouvelables une fois, des demandeurs d’asile qui n’ont pas encore déposé leur demande, ou bien qui attendent une réponse de l’administration. C’est aussi un lieu de regroupement des fameux "dublinés," qui doivent être renvoyés vers le pays de l'espace Schengen où ils ont déposé leurs empreintes la première fois. Le centre est le lieu où l’administration peut les assigner à résidence, en attendant leur expulsion.


 

Le rachat d’anciens «Formule 1» par le fonds Hémisphère est une opération financière puisque la SNI, «maître d’œuvre», "promet à ses partenaires un taux-plancher de 3,5%, un chiffre attrayant puisque le placement bénéficie de multiples garanties des filiales de la Caisse des dépôts. Le taux sera en outre amélioré en fonction d'un certain nombre de critères sociaux, préalablement établis : niveau de scolarisation des enfants accueillis, réussites en termes de relogement des individus et des familles… Le gestionnaire des logements, Adoma (ex-Sonacotra, filiale de la SNI) est ainsi incité à ne pas se contenter d'un rôle de simple accueillant. Un auditeur externe sera mandaté (sans doute un des grands cabinets anglo-saxons de la place) pour vérifier que les critères sont effectivement remplis. Outre le retour financier, ce sont la lisibilité et le fléchage transparent d'un tel placement qui attirent les investisseurs. Ces derniers connaissent dans ce système précisément les actifs dans lesquels sont placés leurs fonds et l'usage qui en est fait. Ils peuvent aussi estampiller ces participations parmi leurs investissements socialement responsables – ce qui n'est jamais mauvais en termes de communication. " ("Challenges", 17-3-17)

De mauvais esprits font remarquer que ces "critères sociaux" correspondent à des obligations légales de base dans notre pays (scolarisation) ou à une vue de l'esprit (relogement) s'agissant de demandeurs d'asile promis pour beaucoup à l'expulsion ou à la clandestinité.

Par contre, l'effet pervers immédiat de ce taux de rapport de 3,5% est de réduire d'autant la prestation de service aux hébergés...déjà réduite par le prix de journée alloué par l'Etat à ce programme : "Alors que le coût moyen d’une journée d’hébergement avec assistance sociale est estimé à 23 euros TTC, le coût journalier moyen des nouvelles places d’hébergement est estimé à 18 euros TTC", avoue cyniquement le Ministère du Logement, cité par la Caisse des Dépôts

De fait il sera réduit à 16,5 euros...

 

La Maif, qui s'est dotée en 2009 d'une "Charte de l'investissement responsable", et dont le président et le directeur général viennent de rappeler dans l'éditorial de son dernier bulletin aux sociétaires ("Maif social club n °176 de janvier 2018) "Notre éthique en matière de placements", ne peut décemment demeurer dans ce Fonds d'Investissement.


 

En effet son rôle et son action contreviennent au principe n°1 du Pacte mondial des Nations Unies auquel la Maif déclare souscrire :

"Principe 1 : Les entreprises sont invitées à promouvoir et à respecter la protection du droit international relatif aux Droits de l'Homme."

Dans lequel il est précisé :

"Une attention particulière devrait être accordée aux droits des groupes vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les personnes atteintes de handicaps, les peuples autochtones, les travailleurs migrants, les personnes âgées, etc."


 

En conséquence, les soussigné-e-s, parmi lesquel-le-s des sociétaires Maif qui se signalent comme tel-le-s, demandent :

1-Le retrait de la Maif du fonds Hémisphère

2-Dans l'attente de l'effectivité de ce retrait, le reversement des 3,5% de dividende à des associations effectivement engagées dans un vrai accueil des exilé-e-s, telles que la Auberge des Migrants, Roya Citoyenne, GISTI, Cimade,...

3-Une communication claire et sans ambiguïté en direction des sociétaires , après analyse des responsabilités, sur le manquement aux engagements qu'a représenté cet investissement.

Pour signer en ligne : http://www.educationsansfrontieres.org/spip.php?article55528


 

 

De : dominique.mahe@maif.fr
Envoyé : 30 mars 2018 20:19:53 GMT+02:00
À : resf65@no-log.org
Objet : Réponse à votre lettre ouverte

Monsieur,
J'ai bien pris connaissance de la lettre ouverte qui m'est adressée sur votre site RESF ainsi que la pétition en cours.
Il nous tient à coeur de clarifier les éléments évoqués dans la lettre ouverte.
 
Aussi je vous prie de trouver ci-joint notre réponse, que nous vous remercions de publier sur votre site à la suite de votre lettre ouverte.
 
Bien cordialement
Dominique Mahé
Président
MAIF

RÉPONSE À VOTRE LETTRE OUVERTE

 

La MAIF est aujourd’hui interpellée par diverses organisations sur sa décision d’investir dans un fonds créé par la Caisse des Dépôts pour financer l’hébergement des personnes fragiles.

 

Par cette lettre, nous tenons à vous réaffirmer que ce choix de la MAIF ne répond en rien à un objectif spéculatif et correspond à notre volonté de contribuer à des questions de société qui nous concernent tous, en tant que citoyens, en tant que militants et en tant qu’investisseur responsable.

 

Être un investisseur responsable, c’est faire le choix de prendre notre part dans les problèmes de société, y compris les plus complexes, les plus difficiles à financer, parce que très peu de personnes veulent s’en occuper, comme c’est le cas pour l’hébergement des populations fragiles.

 

Nous considérons que les problématiques majeures que sont la précarité et la crise migratoire ne vont pas disparaître dans un an, bien au contraire. C’est pourquoi nous sommes engagés aux côtés de la Caisse des Dépôts, dont la mission est bien l’investissement de long terme au service de la société et des territoires. En juin 2017, cet engagement s’est traduit par un investissement de 10 millions d’euros dans un fonds dont la vocation est de financer la mise en place de structures d’accueil d’urgence, pour les personnes en demande d’asile mais aussi pour l’ensemble des publics les plus fragiles. Les premiers centres d’hébergement d’urgence ont ouvert il y a 6 mois.

 

Le projet que nous soutenons dans ce contexte vise simplement à agir pour ce que nous croyons juste, dans un cadre transparent. La MAIF a en effet veillé à s’entourer de toutes les garanties :

  • Un cahier des charges défini par l’Etat au travers de deux appels d’offres,

  • Un fonds géré par le Groupe Caisse des Dépôts.

 

La rémunération du fonds quant à elle s’inscrit dans le cadre de ce qui relève d’un investissement d’intérêt général, c’est-à-dire en-dessous des seuils exigés habituellement, tout en permettant au minimum de préserver les fonds de nos sociétaires et de pouvoir nous impliquer de façon structurelle et non anecdotique dans la lutte contre le mal logement, et même le non logement des populations en détresse.


A travers cette initiative, ce sont les valeurs de solidarité et d’engagement de la MAIF qui s’exercent dans notre volonté d’aider les plus fragiles sur nos territoires.

 

Aujourd'hui, à l’écoute des organisations qui nous ont interpellés sur le sujet, nous avons demandé que soit diligenté, dans les plus brefs délais, un audit des résidences hôtelières à vocation sociale détenues par Hémisphère, et exploitées par ADOMA, afin de nous assurer collectivement du respect du cahier des charges défini lors de l'appel d'offres réalisé par l'État, et notamment des conditions d'hébergement dans chacun de ces centres. Les résultats de l’audit, réalisé par KPMG, seront connus à la fin avril et nous permettront de prendre une position.

 

A Monsieur le Président de la MAIF,

Le Réseau Éducation Sans Frontières a bien reçu votre réponse à sa lettre ouverte mais il n'a pas

reçu de réponse à notre demande de rendez-vous effectuée il y a plus d'un mois. Nous aurions aussi

attendu une réponse des élus représentants directs des sociétaires.

Nous avons publié votre réponse sur notre site. Nous avons lu votre intention de placer les fonds des sociétaires dans des investissements respectueux des valeurs de solidarité.

Vous dites être vigilants sur les conditions d'accueil organisées par ADOMA. Cet engagement

vous honore et nous serions ravis qu'au lieu de la confier seulement à un cabinet d'experts comptables (KPMG) vous complétiez votre évaluation en visitant vous-mêmes un PRAHDA comme celui de Séméac.

Et de comparer votre visite à celle d'un CADA véritable centre d’accueil, où le prix de journée versée par l’État est de 23 € contre 16,5 € dans un PRAHDA centre de regroupement avant expulsion. Vous pourriez ainsi constater à quoi correspond cette différence de prix en termes de conditions d'accueil et de prestations. Par ailleurs, l’évaluation que vous évoquez est inscrite au cahier des charges et dans son approche ne correspond pas à ce que nous contestons dans votre démarche. De plus, ces centres ne servent pas à "l'hébergement d'urgence des plus démunis", mais sont utilisés par l’État comme lieux de regroupement de demandeurs d'asile avant expulsion ce qui a des conséquences sur les conditions d'hébergement.

Là est le noeud de la question, que vous n'abordez pas. La politique de l’État français en matière de

droit d'asile est aujourd'hui au coeur des interrogations de tous ceux qui prennent les Droits Humains au sérieux : du Haut-Commissaire aux Réfugiés de l'ONU jusqu’au Défenseur des Droits, en passant par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, ou le Conseil National Consultatif des Droits de l'Homme, voire le Conseil D’État, tous ont épinglé les atteintes manifestes aux droits des demandeurs d'asile commises par les autorités françaises. Et mis en garde contre les projets en cours (loi "asile-immigration") qui institutionnalisent ces atteintes.

Par ailleurs, nous n'avons pas trouvé dans votre réponse de clarification sur les intérêts que la

MAIF reçoit de son investissement dans le fonds Hémisphère. Vous considérez que vous faites un geste social en choisissant cet investissement parce qu'il ne rapporte que 3,5%. Mais ignorez vous que ces 3,5% sont simplement prélevés sur les aides aux migrants des PRAHDA que reçoit ADOMA de l'État ? Or on vient de voir plus haut ce que l'on est en droit d'en penser en termes de respect des Droits Humains.

C'est bien sur ce point que nous, RESF65, CIMADE65, LDH65 et de nombreux sociétaires,

attendons un changement de la MAIF.

Nous n'acceptons pas que les migrants deviennent des "objets financiers". En restant dans le "fonds

Hémisphère" vous franchissez une "ligne rouge" dont vous n'avez, nous osons le croire, pas mesuré la portée.

Aussi nous vous proposons de vous rencontrer pour faire évoluer la situation, à l'aide de nos arguments de raison, de façon positive pour les migrants.

Dans l'attente de votre réponse que nous espérons positive veuillez recevoir, Monsieur le Président de la MAIF, nos salutations citoyennes engagées"

Tarbes le 3 avril 2018

Jean-Louis Imbert pour RESF65, CIMADE65

Publié dans politique nationale

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article