Pour une autre politique de l'eau en Adour-Garonne

Publié le par Europe Ecologie-Les Verts Hautes-Pyrénées

 

 

Agence de l'Eau Adour-Garonne et pseudo-prospective :

 

De l'art de dresser les agriculteurs contre les écologistes,

et de justifier toujours de nouveaux barrages ...

sans pour autant préparer l'avenir !

 

L'Agence de l'eau Adour Garonne travaille sous l'égide d'un Comité de Bassin dominé par des élus liés au lobby agro-productiviste ainsi que le rappelle utilement "Le Monde" du 23-10-14 dans une remarquable enquête ("La bataille de l'eau").

Elle a organisé dans la perspective du futur Sdage (Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux) pour 2016-2021 une étude prospective intitulée "Garonne 2050" dont la synthèse finale a été présentée le 13 décembre 2012 à Toulouse lors d'un colloque public.

Le Comité de bassin s'est prononcé début décembre 2013 sur les 5 scénarii de cette synthèse.

On y voit tout d'abord l'aveu implicite que le point de départ de l'étude est bien de ne rien changer, puisque les 3 scénarii retenus font tous les trois l'hypothèse d'un quasi-maintien du niveau de cultures irriguées :

 "A noter que les trois scenarii ont retenu les mêmes hypothèses pour l’agriculture et pour l’eau potable :

  • réduction des surfaces irriguées de 15 % -soit 35 000 hectares- et évolution de l’assolement (davantage de cultures d’hiver et de cultures moins gourmandes en eau en période estivale)

  • économies d’eau par les usagers domestiques et les gestionnaires (chasse aux fuites dans les réseaux d’eau potable), afin de compenser l’augmentation de la demande, due à la hausse de la population prévue sur ce territoire."

http://www.eau-adour-garonne.fr/fr/grands-dossiers/la-garonne-2050.html

 

Mais le plus grave n'est pas là, il est dans la présentation gravement malhonnête des 5 scénarii initiaux.

En effet de ces 5 scénarii, se dégage un seul scénario optant pour la "sobriété" : celui-ci, selon les scénaristes, ne se conçoit qu'avec "une crise économique persistante" mais surtout un passage de 65 000 exploitations agricole ...à 9 100 ! (contre respectivement 25 00 ou 61 000 pour les 3 retenus). Il est en cela rapproché de l'autre scénario non retenu par le Comité de Bassin, le scénario "libéral", qui aboutit lui aussi à un nombre d'exploitations de 9 100 et une SAU réduite à 2,5 M ha.

Il est cependant le seul "vertueux" en matière de déficit en eau : 17,5 M m3 seulement contre environ 150 M m3 pour les 4 autres.

 

La conclusion est toute trouvée : la sobriété fait disparaître les exploitations agricoles d'une part, il faut construire 150 M m3 de réserves supplémentaires d'autre part.

Faut-il signaler que les bureaux d'études pressentis pour élaborer ces scénarii prospectifs sont ACTéon, Futuribles et ... la CACG (Compagnie d'Aménagement des Côteaux de Gascogne) bien connue de tous les amateurs de barrages, et dont les administrateurs sont des élus également très présents au sein du Comité de bassin ?

Ne serait-il pas plus intelligent et plus utile socialement d'utiliser toutes les compétences de cette entreprise para-publique pour autre chose que pour biaiser des études et construire sans cesse de nouveaux barrages-réservoirs ?

L'alibi du réchauffement climatique

Pour arriver à ces conclusions attendues, nos experts s'emparent de l'argument du réchauffement climatique : "Le scenario retenu pour l’étude Garonne 2050 est un scenario médian, intermédiaire, nommé “A1B”. Ce scenario est plausible, même si les prévisions laissent entrevoir une

évolution plus pessimiste.

Dans le Sud-Ouest, tous les modèles climatiques prévoient une augmentation de la température moyenne annuelle de+ 0,5°C à + 3,5°C, plus sûrement entre + 1,5°C et + 3°C, sachant qu’une augmentation moyenne annuelle de + 1°C conduit à un déplacement de la végétation de 180 km. Si ces prédictions se réalisent, le climat de Londres en 2050 sera celui que connait Bordeaux aujourd’hui. Le climat de Toulouse en 2050 sera celui que connaissent aujourd’hui les villes de Lisbonne, Tunis ou Alger (sans l’influence maritime).(...) Faute d’un stock de neige suffisant, les cours d’eau évolueront d’un régime nival à un régime pluvial. L’évaporation de l’eau du sol sera accentuée, le sol n’étant plus protégé par la neige.

Mais c’est surtout en été que le réchauffement pourra être constaté, avec une augmentation sensible des températures estivales, davantage de sécheresse et de jours de canicule. L’été caniculaire de 2003 pourrait

ainsi devenir l’été moyen à l’horizon 2050. (...)

S’agissant des précipitations, les projections sont moins nettes, les incertitudes étant plus grandes. Sur le bassin, on peut s’attendre à une légère baisse du total annuel moyen des précipitations, sans doute

entre 0 et -15 % de précipitations."(GARONNE 2050 SYNTHÈSE DE LA CONFÉRENCE du 13-12-12, p 5)

 

Mais ils n'en tirent pas toutes les conséquences.

D'autant qu'ils font le constat suivant sur l'évolution de l'agriculture : "Les principales cultures du bassin sont les céréales, les oléoprotéagineux, l’arboriculture, le maraîchage, la viticulture et une spécificité que constitue la production de semences.

L’irrigation a beaucoup augmenté depuis les années 80, avec des prélèvements qui pèsent surtout sur les eaux superficielles. La superficie irrigable représente 15 % de la SAU totale et la superficie irriguée 9 %,

ce qui est largement plus que la moyenne nationale. Les volumes d’eau consommés dépendent de l’année climatique." (Ibidem, p 7)

 

Barrages ou mirages : l'exemple californien

 

Avant de construire leurs 5 scenarii (bâtis nous disent-ils par "les acteurs qui ont participé auxateliers" : on se demande qui sont ces "acteurs"), les bureaux d'études auraient pu rechercher des éléments d'appréciation comparatifs sur l'utilité des barrages dans un milieu semi-aride, tel que prévu par la prospective climatique ci-dessus.

Une enquête récente du "Monde" nous en livre un : celui de la Californie, où comme chacun sait l'irrigation joue un grand rôle dans l'agriculture.

"Au pied de la Sierra Nevada, East Porterville est devenue l'emblème de la pénurie d'eau alors que, selon le calendrier de l'Institut géologique américain (USGS), la Californie est officiellement entrée début octobre dans sa quatrième année de sècheresse.

(...)

La sècheresse est un phénomène à développement lent. C'est d'abord l'agriculture -première consommatrice de l'or bleu de l'Etat (à hauteur de 41%)- qui a souffert. Quand l'eau a été rationnée au printemps pour les exploitants de la vallée centrale, les fermier sont dû sacrifier des cultures (20% des terres sont en jachère). (...)

36% C'est le taux moyen de remplissage des réservoirs de Californie après trois ans de sècheresse

Le niveau d'un des plus grands lacs de barrage, le Shasta, dans le nord de l'Etat, est à 65% sous sa moyenne. Les troncs d'arbres qui avaient été engloutis au moment de la création du barrage sont visibles pour la première fois en soixante ans. (...) En 2014, 430 000 acres (1 740 km2) ont dû être laissés en jachère, faute d'irrigation. " (Californie : la vie sans eau à East Porterville,"Le Monde" du 21-10-14)

 

Ainsi, il apparaît, ce que le simple bon sens aurait pu suggérer, que la multiplication de réservoirs ne sert à rien s'il n'y a plus assez d'eau pour les remplir.

 

Le scénario de la sobriété s'imposera donc de lui-même : que font nos politiques pour y préparer leur territoire en promouvant un autre modèle agricole ?

 

Publié dans Région

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